Langue écrite et surdité

Publié le : 12 décembre 2024

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L’accès à l’écrit des jeunes sourds est une étape essentielle pour l’inclusion et l’autonomie de ces jeunes. L’objectif de cette rubrique est de présenter différentes approches pour faciliter cet accès à l’écrit. Les profils les plus variés seront présentés ainsi que des techniques variées s’adaptant au profil de chacun.e.

L’écrit inclut la lecture, la compréhension et l’expression. Nous aborderons ces domaines en tentant de mettre en évidence les éléments qui nous semblent primordiaux pour l’acquisition d’un écrit fonctionnel.

Si vous le souhaitez, vous pouvez envoyer au secrétariat d’Acfos une contribution sur l’accès à l’écrit des jeunes sourds qui sera lue par les membres de la Commission éducation auditive et vous répondra pour une éventuelle mise en ligne sur le site d’Acfos.

Quelques informations sur les stratégies pertinentes pour aider l’élève sourd :

  • Importance de l’interaction oral-écrit ; réception-production.
  • Importance de la correspondance grapho-phonologique : l’absence d’enseignement du système de règles de correspondance grapho-phonologique apparaît comme un des facteurs pouvant accroître les difficultés initiales des apprentis lecteurs. Ce point doit être rappelé car il est validé, même s’il peut encore déranger. Quand il n’y a pas d’accès à la phonologie, l’apprentissage de l’écrit est plus compliqué même s’il n’est pas impossible. Dans ce cas-là, il existe aussi des stratégies à mettre en place et l’écrit garde toute sa place. Il ne faut pas attendre que l’enfant soit lecteur pour aborder l’écrit. Au contraire, il faut écrire pour lire, alors que l’acte de lire n’engendre pas celui d’écrire.
  • S’inspirer des méthodes de l’enseignement explicite qui repose sur l’idée qu’il faut partir du simple pour aller vers le complexe. Il s’agit de repérer préalablement les étapes nécessaires à l’acquisition d’une notion en déterminant quelles sont les différentes habiletés impliquées. Un apprentissage explicite du lexique et des procédures permettant de comprendre un texte narratif est à recommander.

Par ailleurs, la conscientisation de ces procédures permettra à l’enfant de les réutiliser dans d’autres contextes et de ne pas « paniquer » devant un texte écrit nouveau ou qui semblerait plus ardu. On peut par exemple installer des « routines » d’analyse d’un texte :
-On s’intéresse aux personnages ;
– Aux émotions ;
– Au lexique ;
-Etc.

  • Cela peut sembler évident, mais le lien entre les enseignants et les orthophonistes pour les enfants en inclusion est absolument indispensable pour travailler sur les mêmes thèmes, les mêmes textes et le vocabulaire, pour enrichir le lexique.
  • L’objectif est l’accès au sens (plus que le décodage, le déchiffrage ou la répétition qui peuvent donner l’illusion d’une compréhension). Quand le sens est installé, la notion de par cœur devient utile et pertinente. Le travail sur le vocabulaire est important car il est utile à la compréhension du sens dans le cadre d’une séquence d’apprentissage. La primauté de l’accès au sens vaut pour le français comme pour la LSF : si le concept n’est pas installé, si le sens de la séquence n’a pas été intégré ou préparé, donner de la LSF n’aidera pas plus l’élève à accéder à la compréhension de ce qui est étudié.
  • Ne pas oublier la notion de plaisir : quel que soit le niveau de l’enfant, et l’importance de le décomplexer vis-à-vis de l’écrit. Il faut remettre en place l’estime de soi pour les jeunes sourds en difficultés avec la langue.
  • Ne pas oublier non plus que ce sont les notions de progression, de cheminement qui importent et qui devraient être évaluées, tout autant voire plus que le simple résultat.
  • Pour les enfants sourds comme non sourds, ne pas négliger l’impact du profil linguistique et des interactions avec l’environnement sur le parcours scolaire. Pour autant, les apprentissages sont accessibles pour tous les types de profil. Il faut à la fois être ambitieux pour les enfants et ne pas s’auto censurer, mais aussi avoir des objectifs réalistes quand il le faut, et savoir être au clair avec ceux-ci, ainsi que vis-à-vis de la famille. Il peut y avoir des limites dans l’accès à l’écrit, ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas travailler celui-ci et qu’un accès à un écrit fonctionnel n’est pas possible. Il y a bien évidemment une forte pression familiale et institutionnelle à ce sujet et les attentes vis-à-vis de l’orthophoniste et de l’enseignant sont grandes.
  • La LSF tout comme l’écrit sont des compétences qui apportent un plus, il n’y a aucune rivalité mais au contraire une complémentarité entre les deux. La LSF est une langue, qui revêt aussi une dimension culturelle et politique particulièrement depuis le « réveil sourd ». Certaines personnes sourdes n’acceptent d’ailleurs pas que le symbole de la surdité soit une oreille barrée car ils ne considèrent pas devoir être « réparés ».

Le pas de coté

L'Oulipo, les ateliers d'écriture et la surdité

Pourquoi parler de l’Oulipo et des ateliers d’écriture quand on se préoccupe de l’accès à l’écrit des jeunes sourds ?

Parce que les “contraintes” de l’Oulipo peuvent aider les jeunes sourds à produire du texte et à…  s’amuser !

L’Oulipo a été créé en 1960 pour interroger les mathématiques afin d’apporter aux écrivains de nouvelles structures pour de nouvelles œuvres. Ces recherches ont été mises en créations, au fil des années, par Georges Perec, Italo Calvino, Raymond Queneau, Jacques Roubaud et de nombreux autres, prouvant leur efficacité.

Très vite, ces « contraintes » se sont révélées être de parfaits outils pour l’enseignement de l’écriture. On les trouve aujourd’hui dans les recommandations de l’Education Nationale et elles font les beaux jours des ateliers d’écriture.

Idées pour Ateliers d'écriture

Non exhaustif bien sûr mais quelques auteurs à connaître pour vos ateliers d’écriture…

Jeux linguistiques – Un mot peut en cacher un autre…

Frank Evard, Ellipes, 2016

Sans le A

Michaël Escoffier, Kris Di Giacomo, Ecole des Loisirs, 2012

Le prof m’a dit que je devais absolument repasser mes leçons

Alain le Saux, Rivages, 1996

Boite à outils

La lecture interactive

Un document très bien fait qui guide, explique, donne des exemples… Utile aux professionnels et aux parents qui se demanderaient “mais comment m’y prendre avec mon enfant sourd”…?

La dictée à l'adulte

Pourquoi c’est une bonne idée avec les enfants sourds (et les autres) ?

Entre autres parce que c’est ludique, non contraignant, que cela libère de l’angoisse de l’écrit, de la faute, etc., que c’est faisable avec signe, code, expression… Un bon outil, à adapter en fonction de vos besoins et avec des enfants très jeunes.

Publications

Philippe Séro-Guillaume et Philippe Geneste
Paru chez Quiero, 2024.
Nathalie THOMAS
Paru chez deboeck supérieur, 2023.
G. Durand
Dans : Connaissances Surdités, N° 23, ACFOS .